Le vieux Mosen (= curé) Millan attend dans la sacristie que les villageois rejoignent l’église où il va célébrer une messe de Requiem en l’honneur de Paco du Moulin, mort assassiné l’année précédente.

Tandis qu’il patiente, le prêtre se souvient de Paco : enfant profondément bouleversé par l’extrême misère de ceux qui habitent dans les grottes ; jeune homme sérieux luttant contre les droits de fermage abusifs; puis homme accompli, élu par le village lors du court épisode où l’Espagne fut républicaine ; et enfin, avec la montée des phalangistes terroristes, victime d’un infâme assassinat.

Au milieu de ces bouleversements où à la révolte pacifique succéda une répression sanglante, Mosen Millan, quoique non dénué de bonté, représente l’église soumise au pouvoir jusqu’à trahir son ami Paco. Pourtant, le prêtre n’éprouve nul remords pour son acte de dénonciation : il estime avoir agi de bonne foi et avoir été victime de sa naïveté et de sa confiance aveugle en l’autorité des Puissants.Mais c’est en vain que le curé attend : aucun des villageois amis de Paco ne se rend à la messe de Requiem. Seuls les trois riches du village, ennemis jurés du héros, se présentent à l’église...

Commentaire

Avec une économie de moyens impressionnante, mais une justesse de ton d’autant plus percutante, Sender brosse, en une septantaine de pages, un portrait magistral de la vie paysanne où, au chœur des vieilles femmes réunies au lieu dit « carasol » répondent ces hommes qui peinent aux champs ou festoient allègrement, où les superstitions et la religion consacrée s’empoignent, où la guerre civile produit, en ce petit village reculé, les mêmes effets que la clémence ou le désastre des moissons.

Sender, en une de ces images lapidaires dont il a le génie, videra l’église de tous les amis de Paco, tandis que seuls ses ennemis y seront présents. Le véritable Requiem ne se célèbre-t-il pas, en effet, chaque jour, dans la mémoire des hommes endeuillés et non pas au cours d’une cérémonie conventionnelle ?

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Un grand merci à toi, Nanne, pour m'avoir encouragée à découvrir ce roman sobre et beau !

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Ramón J. Sender

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Ramon Sender est né en 1901 en Aragon. Intellectuel engagé, il est d'abord journaliste, puis publie son premier livre en 1930. Après la guerre civile, il s'installe aux Etats-Unis, où il se consacre à une œuvre abondante. Il ne retourne en Espagne en 1974 qu'à la condition qu'y soit enfin édité « Requiem pour un paysan espagnol » que la censure retenait depuis des années.

Ramón Sender est mort dans la solitude à San Diego, Californie, au mois de février 1982

Requiem pour un paysan espagnol

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