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Bibliophagie
7 septembre 2011

La patience de Mauricette

mauricette folio

Mauricette Beaussart, âgée de soixante-quinze ans, vient de s’enfuir de l’ EPSM d’Armentières où elle séjournait pour troubles mentaux. Aussitôt appelé par le service, Christophe Moreel, son voisin et ami, entreprend de retrouver la piste de cette femme surprenante par le mélange de sauvagerie paysanne et de raffinement intellectuel dont elle est capable.

Parallèlement au récit de cette quête, le roman insère les monologues de la souffrance que Mauricette elle-même consigne dans un cahier offert par la psychologue du service. Ces textes poétiques bouleversants dans l’expression d’une souffrance qui fait éclater le cœur et le langage, ces passages d’une beauté stylistique stupéfiante, mettent à nu ce qu’une culpabilité native à l’enfant peut entraîner comme ravages quand, loin d’être parlée, elle est quotidiennement rappelée.

A défaut de pouvoir vous citer le livre entier, voici deux extraits où Mauricette nous parle de sa voix d’enfant-poète :

 « Je crois aller mieux mais j’ai des rechutes de noirceur. J'arrive à parler de ça avec le docteur Demolins mais pas tout. Je connais mon noyau de souffrance. Je le suce et roule entre les gencives depuis des années. Quelquefois je le prends dans ma main et je la referme. Il est caché dans ma paume je regarde mes taches de vieillesse sur le dos de ma main et je remets le noyau dans ma bouche. Je crois qu’il faudrait le cracher comme des pépins de pastèque. Flouff. »

« Je ne vais pas m’engluer dans la ressasse du passé. Avant de partir, je vais retirer ces pages. Je laisserai le reste  derrière moi sur le dessus-de-lit. J’ai vu le chemin parcouru à reculons. Je sais la chose qui me rends la plus malade. C’est la douleur de ma vie mais la souffrance devient l’amour du monde sous mes pieds et dans mes yeux. On m’a visitée. Je ne guérirai peut-être pas complètement mais je suis passée à un grand amour sur la planète. Le poème de la terre, d’une enfance innocente. Je ne suis pas malheureuse. Je suis libre. Je continue. C’est peut-être la grâce. »

Lucien Suel 

l suel

 

Lucien Suel est né en 1948 dans les Flandres artésiennes où il vit toujours.
Éditeur des revues The Starscrewer, consacré à la poésie dela Beat Generation, puis de Moue de Veau, magazine « dada punk », il anime aujourd’huila Station Underground d’Émerveillement littéraire et le blog Silo. Il a publié de nombreux ouvrages de poésie ainsi que deux romans.


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