L'espèce fabulatrice
Dans cet essai, nous ne lirons rien de nouveau, d’inédit, mais bien une remise en mémoire d’un point que nous oublions trop souvent.
En effet, Nancy Huston nous rappelle que nous ne sommes qu’une entité construite, inventée, imaginée par le discours de nos parents d’abord, puis par les histoires que l’on nous raconte sur cette famille, cette patrie, cette religion dont on dit qu’elles sont nôtres ensuite et qui, dès lors, nous font, nous fondent, nous implantent au sein d’un Nous face auquel les autres sont une menace (c’est là ce que Huston nomme l’Arché-texte).
C’est sur base de cette assise et grâce à elle que nous allons pouvoir comprendre, c’est-à-dire interpréter le monde qui nous environne, nous y forger une place, lui attribuer un Sens.
C’est alors que cet essai nous apparait dans la plénitude de sa nécessité : Si de tels fondements fictifs sont indispensables à l’édification d’un moi, nous dit l’auteur, s’ils sont incontournables - il n’y a pas de réel accessible en dehors de ce que l’on en dit, et donc invente à son propos - ils sont, du même coup, redoutables et néfastes dès lors qu’ils sont pris comme la Vérité unique.
Pour sortir de l’exclusivité mortifère de cette fable, de cette religion (au double sens d’un réseau de liens et d’ une croyance prise pour la Vérité) engendrant violence et intolérance, l’auteur propose la voie royale de l’écriture et de la lecture : « C’est parce que la réalité humaine est gorgée de fictions involontaires ou pauvres qu’il importe d’inventer des fictions volontaires et riches » grâce auxquelles nous sortons de l’enfermement exclusif et excluant, nous rendons capables d’un véritable choix, devenons inventeurs de nos vies et du sens de celles-ci.