En attendant le soleil
Assis seul loin de tous, le vieux réalisateur Inoue attend que le ciel et le soleil aient exactement la couleur qu'ils avaient soixante ans plus tôt, lorsqu'il a assisté à la prise de Nankin par l'armée japonaise, sous le feu de laquelle est morte celle qu'il aimait désespérément.
Le narrateur, Shiro, est le décorateur de ce film en tournage. Décorateur d'un genre spécial puisqu' il est chargé de salir les décors afin de les doter de la patine du temps. Lui aussi attend que son frère Jiro, grièvement blessé après un règlement de comptes mafieux, sorte enfin du coma profond où il revit non seulement son enfance, mais également certains événements antérieurs à elle. Fujisawa, un yakusa, attend fébrilement de retrouver un cartable d'écolier qu'il avait confié à Jiro et qui contenait une drogue aux pouvoirs maléfiques nommée « lost your memory ». Enfin le père de Fujisawa, un commandant américain, est, en 1945, enfermé dans la prison d'Hiroshima, il sait que, d'un jour à l'autre, une bombe effrayante sera lancée sur cette ville...
Commentaire
Bien que ce roman soit d'une belle écriture fluide et que son thème fondamental, la mémoire des atrocités, y soit traité sous divers aspects : le ressassement qui ruine et arrête le mouvement de la vie chez Inoue; la remémoration de son histoire personnelle sous le feu de l'Histoire et de ses tragédies qu'entretient l'esprit de Jiro en son coma; et surtout, avec cette drogue qui porte bien son nom de « lost your memory », la folie et la déshumanisation qu'entraîne l'oubli des événements atroces et des souffrances passées (l'oubli causé par cette drogue ne portant que sur la mémoire douloureuse); malgré donc cette écriture et ce thème, ce livre ne m'a ni touchée, ni convaincue.
Tout d'abord les personnages sont limités à leurs actions, pas toujours très conséquentes d'ailleurs, et dénués de toute profondeur comme de toute psychologie. Ensuite la conception de l'amour des acteurs de ce livre ressemble davantage à de la possessivité et à de l'égoïsme pur qu'à ce qu'on s'attendrait à rencontrer chez deux êtres qui disent s'aimer. Enfin, si la mémoire des malheurs et des drames humains constitue une thématique intéressante, elle n'est abordée que sous un angle très parcellaire et certainement pas avec les meilleurs arguments puisqu'elle ne fait intervenir, pour représenter ses quelques facettes, que des êtres marginalisés et sujets à la violence.
Bref, ce roman m'a déçue, et me fait vous poser la question: Me faudrait-il-il lire une autre oeuvre de cet auteur ou risqué-je trop d'être à nouveau déçue ?