Le voyage dans le passé

Assis face à face dans le train, empêchés de se parler au milieu des autres voyageurs, ils se souviennent, ou plutôt il se souvient.. De sa jeunesse écrasée de misère, de ses études acharnées, de son ardeur au travail remarquée par un grand magnat qui devient son bienfaiteur, lui offre d’habiter sa maison.

Il y passera de long mois avant que son protecteurr ne l’envoie en mission au Mexique pour deux ans, promotion que l’ambition du jeune homme ne peut refuser. C’est alors qu’il réalise combien la femme de son bienfaiteur était, à sa manière discrète, attentive à ses besoins, douce et belle. Bouleversé par la révélation de l’amour que contenaient ces soins et de sa propre passion, il vit avec elle des moments intenses et une passion chaste qu’ils scelleront de la promesse de se donner l’un à l’autre dès son retour.

Mais la guerre entrave ce retour. Neuf années passent, un mariage, des enfants viennent à naître, avant qu’il ne rentre au pays. Désireux de la revoir, il l’invite à cette nuit jadis promise..

Hélàs, l’amour a, entretemps, perdu sa flamme, rien ne peut revenir de ce qui a été perdu.... 

Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres cherchent le passé

Commentaire

Ce roman d’une centaine de pages, presqu’une nouvelle, exprime, une fois de plus, l’immense talent de cet auteur qui s’empare d’une histoire somme toute banale pour créer une véritable œuvre d’art.

Car Zweig , ce grand écrivain de l’âme porte son style comme une signature. Ce style frappe essentiellement par l’écriture qui demeure élégante au cœur même des passions dévorantes, par la sensibilité toujours portée à son degré extrême de tension, et par la finesse d’une plume qui capte les moindres soubresauts du cœur.

Avec les deux personnages de ce récit, Zweig crée un duo musical dont les tempéraments contrastés reviennent fréquemment dans ses autres écrits. Face à l’homme égoïste, fougueux, ambitieux et brillant, la femme est bonté, douceur maternelle, effacement et don sans retour. Cette vision de la différence des sexes parait bien désuète mais nous y plongeons avec délice, tant nous comprenons qu’elle est manière, pour l’auteur, d’exprimer et de démêler sa complexité émotive.

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Stefan Zweig

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Né à Vienne en 1881, Stefan Zweig s'est essayé aux genres littéraires les plus divers. Ses récits, « La Confusion des sentiments », « Amok », « Vingt-quatre heures de la vie d'une femme », « Le Joueur d'échecs », l'ont rendu célèbre dans le monde entier.

Profondément marqué par la montée et les victoires du nazisme, Stefan Zweig, qui avait émigré au Brésil en 1935, s'est donné la mort en même temps que sa femme en 1942. 

Comments

[Sourifleur]

J'apprécie beaucoup cet auteur, et ce petit roman (plutôt une grande nouvelle) est très agréable à lire!

[sheherazade]

je vais donc l'ajouter à la LAL, celui-ci aussi

[Roxane]

Bravo chère Sybilline pour ce commentaire, fort bien écrit encore une fois.
Voilà un Zweig que je n'ai jamais lu, et dont je n'ai meme jamais entendu parler. Je vais m'empresser d'y remédier, ton billet m'a donné envie.
A très bientot,

[liliba]

Longtemps que je n'ai pas lu Zweig, je vais y remédier (un de ces jours ;-)

[dourvac'h]

Je n'ai encore jamais rien lu de Stefan Zweig... Je commencerai donc par ce livre que tu nous recommandes si chaleureusement!

Petite aparté : c'est dommage que cet homme ait choisi de se donner la mort en raison du triomphe appparent de l'imbécillité (flagrante) d'une idéologie comme le nationalsocialisme...

Nous faudrait-il donc nous suicider à constater notre impuissance actuelle face l'imbécillité égoïste de cette mafia mondialisée (et tiomphante) du CAC 40 et des Bourses... s'ajoutant à celle du fascisme verdâtre d'un Bîn Lâdîn, la débilité mentale du Hamas, celle de l'armée israélienne, etc., etc. ??? Non, bien sûr... )

Bises et belle Amitié à toi, chère Sybilline !
Très belle histoire sur le dépassement nécessaire de l'apparente "incommunicabilité" entre les êtres...