Le week-end
Jörg sort de prison après vingt années de détention. Il était membre actif des fractions armées rouges et avait commis plusieurs actes terroristes meurtriers. Pour fêter sa libération, suite à une grâce accordée par le président de la République allemande, Christiane, sa sœur ainée qui toujours veilla sur ce frère avec un amour et un soin exclusif, a organisé un week-end avec ses vieux amis, ceux de l’époque révolutionnaire, aujourd’hui rangés dans l’une ou l’autre des carrières emblématiques de la société bourgeoise.
Dans la grande demeure délabrée qu’elle a acquise, les amis d’avant sont confrontés, à la vue de Jörg, avec un passé qu’ils ont renié ainsi qu’aux questions de responsabilité, de culpabilité et de pardon.
Jörg, pour sa part, sait que l’un d’eux l’a trahi, il y a 20 ans, en révélant sa cachette...
Si les amis rentrés dans le rang souhaitent que Jörg retrouve la conformité, Marko, une jeune tête brûlée qui visita assidument le prisonnier, pousse ce dernier à reprendre la lutte, tandis que Ferdinand, le jeune fils abandonné tout enfant encore par Jörg, condamne violemment le passé de son père.
L'amitié peut-elle réparer les fautes du passé? Doit-on pardonner les meurtres commis sous l’empire d’un idéal qui fait fi des vies humaines ? Ces questions restent ouvertes...
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Commentaire
Comme dans son fameux « Le liseur », le juge Schlink refuse, paradoxalement, de porter un jugement et de condamner quiconque. Même si Jörg n’éprouve aucun regret, sûr du bon droit de ses actes terroristes, même s’il désire connaître celui qui l’a dénoncé jadis, il sait que le combat n’a plus de sens aujourd’hui et que le retour à la norme est sa seule issue..
Telle est bien la position finale de l’auteur qui, refusant le débat entre « J’ai payé pour mes crimes » et « Il n’y a pas de paiement pour les vies détruites », prône la réconciliation et le pardon. Car seul le pardon, ainsi qu’il apparaît chez Ferdinand, engendre la liberté de vivre désentravé de ce poids de haine et de ce désir de vengeance ruineux.
D’une écriture plus affinée encore que celle de son « Le liseur », « Le week-end » est un huis-clos puissant dans sa concision où, encore une fois, Schlink démontre son très beau sens de l’écoute humaine et son attention à ce qui fait vibrer et vivre les êtres.
"[.....]Tu peux te lever et te réfugier dans ta chambre ou t’enfuir dans le parc, je ne te courrai pas après. Mais ne me raconte pas que tu as payé pour tout. Vingt-quatre ans pour quatre meurtres ? Est-ce qu'une vie vaut exactement six ans ? Tu n’as pas payé pour ce que tu as fait, tu te I 'es pardonné. Probablement avant même de le faire. Mais pardonner seuls les autres le peuvent. Et ils ne le font pas.
C'est atroce, pensait Henner. Le fils qui s’érige en juge de son père. Le fils dans son droit et le père dans son tort. Le fils qui se lance et s'échauffe, le père qui se renferme dans le défi.
Le fils qui s'interdit la douleur et le père qui s'interdit le désarroi. Comment cela peut-il marcher ? Que veut-on qu'ils fassent I 'un et I 'autre ? Que devons-nous faire ? "
Un grand merci à Guillaume Teisseire et à l’opération Masse Critique de Babelio grâce auxquels j’ai pu connaître, et apprécier ce très beau roman