La promenade des russes
Sonia a toujours vécu avec Babouchka, sa grand- mère, car sa mère , constamment en fuite dans les voyages, ne passe la voir que de temps en temps et son père vit seul, indifférent à sa femme et sa fille.
Cette grand-mère russe, issue d’une famille proche de la dynastie des Romanov, a gardé de la période du communisme naissant la peur panique de voir sa petite-fille enlevée à tout jamais, comme le furent tant de ses proches dans ces temps de terreur. Réfugiée en France, elle ressasse sans cesse la fin monstrueuse de la famille du Tsar et prétend détenir la vérité sur Anastasia, la princesse dont on ne sait si elle a pu échapper au massacre. Régulièrement, elle écrit donc au directeur d'Historia, sans jamais obtenir de réponse.
C’est avec une sollicitude inquiète que la petite Sonia veille sur sa Babouchka, l’emmène marcher lentement sur la fameuse Promenade des anglais, l’accompagne au marché en la soutenant. Pourtant, elle rêve de pouvoir vivre normalement, de n’être plus terrifiée par les récits de massacres dont sa grand-mère l’abreuve régulièrement.
Mais un jour, cette dernière fait une chute, et doit être hospitalisée. Ces quelques jours de liberté pour la jeune enfant, d’éloignement entre ces deux êtres étroitement liés, vont les amener à se rencontrer, autrement...
Commentaire
Entre cette grand-mère russe toujours plongée dans le temps des tsars, puis dans celui de la terreur et des rafles des années révolutionnaires, et sa petite-fille née en France et ne souhaitant rien d’autre que d’y vivre normalement ; entre cette grand-mère qui lutte contre le vieillissement et sa petite-fille dont la jeunesse s’épanouit, il existe un lien d’amour puissant, mais celui-ci s’exprime essentiellement dans la peur qu’elles s’échangent et partagent à des degrés divers.
Véronique Olmi, en fine analyste de l’âme humaine, parsème discrètement les indices de cet amour et de cette attention à l’autre qui, faute d’être dits, se muent en angoisses, en culpabilités, en souffrances.
Mieux même, la communication de l’angoisse est la manière par laquelle la grand-mère en appelle à l’écoute de sa petite-fille afin de pouvoir enfin lui parler véritablement, comme elle est, chez Sonia, la façon de refuser cette écoute d’un autre âge.
Dans ce très beau roman, l’auteur nous délivre, une fois encore, le message déjà diffusé ailleurs en ses ouvrages : parmi les souffrances humaines, il y en a tant qui sont des appels méconnus
Une fois de plus, je dois à la Muse agitée (dont je recommande, au passage, le blog éclairé) la lecture de cette œuvre subtile sous des dehors parfois caricaturaux.
Merci !