Sms ou l'automne d'une passion
Ce texte étonnant et magistral retrace la vie et la mort de Jehanne, une jeune femme belle, fantasque et intelligente. Au faîte de sa jeunesse et de sa beauté, Jehanne repousse sans ambages l’amour de Marc et tombe éperdument amoureuse de Serge, un jeune russe blanc qui périra, peu après leur mariage, au cours d’un raid en pleine seconde guerre mondiale. Tandis que Marc, le jeune homme éconduit, sublime son chagrin d’amour en devenant prêtre ouvrier, Jehanne, accablée de chagrin, entre dans les ordres afin d’y trouver consolation et déport d’amour.
Marc mène son sacerdoce avec amour et s’y réalise pleinement, sans oublier pour autant celle qu’il aima en vain. Par contre Jehanne, devenue sœur Marie Serge (d’où les initiales sms) ne parvient pas, malgré ses efforts, à réellement s’accoutumer à cette vie monacale faite de silence, de solitude et de dénuement absolu. Poursuivie par sa passion et rongée de chagrin, elle sombrera dans la folie...
Commentaire
Dénommé « roman –poème », ce livre splendide est un ample chant d’amour et de complainte, mais aussi une critique mi- révoltée mi- attristée de certaines dérives de la religion, ou plutôt de l’église, qui tantôt se pavane dans les ornements et les signes d’une richesse contre-évangélique, tantôt impose aux moniales un code de règles si rigoureuses qu’elles étouffent toute joie de vivre et tout élan capable d’embrasser les beautés du monde.
Mais ce que ce texte somptueux recèle de plus grand, évoqué dans le contraste entre Marc, le religieux lancé au cœur de la pauvreté ouvrière, et sms, la bénédictine renfermée en ses dévotions, c’est l’annonce de ce que la religion, la vraie, se pratique plus souvent, et mieux, par ceux là même qui, laborieux et peinant, l’ ignorent, tout comme ils ignorent que leur vie est faite de davantage de foi, d’espérance et de charité que celle des dévots et des confits en religion.
« Cette campagne cauchoise qui I’ entourait
de toutes parts
Cette vie consacrée à la réflexion
et à la méditation
Qui échappait à la vie salariée/ aux petits chefs
A la bousculade des transports / aux travaux
dénués de sens
perfo ou caisse enregistreuse
N'était-ce pas un luxe
Même si sms/ quant à elle/ n’avait rien dans
les poches
Et pas grand-chose de plus dans sa cellule
qu’un lit et une table
N'était-ce pas/ et depuis toujours/ et même
au temps des grands fondateurs-constructeurs
Le contraire de I' esprit évangélique
L'o.s. / la secrétaire-mère-célibataire dans
leur achélème bruyant,/ bétonné de gris
Exploités / pressurés/ affolés de traites/
de fins de mois/ de dettes
Toujours en retard sur quelque chose ou
quelqu’un
Quand ce n’étaient pas les règles qui étaient
en retard
N'étaient-ils pas plus proches / infini-
ment proches dans leur égarements sans Dieu
De I' humilité et de l’amour prêchés il y a
Deux millénaires
Sur la montagne »