La princesse et le pêcheur
Lam est une adolescente née en France de parents vietnamiens. Pour ses parents, en cela bien vietnamiens, seule compte l’excellence scolaire et la réussite intellectuelle de leur fille, tandis qu’ils demeurent silencieux et vagues sur leur histoire douloureuse d’avant leur exil. Malgré sa vie confortable, Lam porte ce poids de silence et d’ignorance comme une insuffisance qui la laisse résolument solitaire, craintive et timide. Seule l’amitié des livres et la pratique du piano l’accompagnent dans sa solitude de fille unique.
La vie, comme les contes, offre toujours son lot de rencontres. Ce sera lors d’un voyage d’étude que Lam va faire une rencontre décisive en la personne de Nam. Pauvre mais sûr de lui, aimable mais secret, Nam a connu les duretés du Vietnam en furie, il l’a quitté en catastrophe avec d’autres boat people pour s’échouer sur une terre inconnue : la France.
Malgré la différence de leurs vies, une amitié se crée immédiatement entre Nam et Lam. Ce jeune homme avenant qui plait tant aux jeunes filles, ne recherche désormais plus que la compagnie de l’adolescente sérieuse et appliquée, et Lam, de son côté, connaît son premier émoi amoureux...
Les jeunes gens, réservés, peu enclins aux confidences, vont toutefois exprimer une part d’eux-mêmes à travers ce langage à la fois limpide et énigmatique qu’est celui du conte. Ce fut sous le signe du conte que s’inaugura leur amitié, ce sera avec un conte qu’elle se clôturera : des contes qui tous illustrent un amour impossible, comme le sera celui qui les unit et que Nam fuira, par crainte d’un inceste avec celle qu’il a toujours confondu avec sa propre sœur restée au Vietnam...
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Commentaire
Dans ce roman pudique, sensible et poétique, Minh Tran Huy nous traduit délicatement la difficulté d’être vietnamien à l’étranger, plus particulièrement en France, dans ce pays qui jadis colonisa leur patrie : la pudeur que les adultes immigrés ressentent à relater leur passé dans un pays de terreur et de haine, la souffrance indicible d’avoir tout perdu en quittant leurs origines, l’obligation pour les jeunes de réussir brillamment afin de consoler leurs parents et d’apporter une confirmation à leur choix de vie, grèvent lourdement leurs vies chargées dès lors d‘un fond de tristesse invincible.
Secrets et silencieux, habitués à taire leurs émotions, c’est alors dans et par le conte que les personnages de ce livre expriment leurs sentiments intimes, mais parfois aussi annoncent inconsciemment leur histoire future.
Ce roman plein de douceur et de mélancolie ne restera sans doute pas inscrit dans ma mémoire à tout jamais, mais je lui ai trouvé une grâce et un charme particuliers, si bien que je suivrai certainement la carrière littéraire de cette auteur.
Mais déjà me saisit, face à ce livre, ce que l’auteur nomme le « mono no awari », un terme japonais qui, dit-elle, exprime la douce nostalgie de ce qui disparaît, se perd à tout jamais de vue...
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Minh Tran Huy
Née en 1979 à Clamart, Minh Tran Huy est rédactrice en chef adjointe au "Magazine littéraire" et chroniqueuse aux "Mots de minuit", l'émission culturelle de Philippe Lefait (France 2).
"La princesse et le pêcheur" est son premier roman, en grande partie autobiographique .
Et cette fois ci, c'est Liliba que je remercie, pour cet excellent conseil de lecture!..