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Bibliophagie
4 septembre 2008

Train de nuit pour Lisbonne

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La rencontre fortuite d’une femme portugaise penchée sur le parapet d’un pont et le livre du portugais Amadeu de Prado, découvert par hasard, vont bouleverser la vie de l’ érudit professeur Raimond Gregorius. Au milieu d’un cours de latin, soudain il se lève et s’en va. Il prend le premier train de nuit pour Lisbonne, fasciné par le texte et la personnalité de cet écrivain penseur qui chercha à se frayer un chemin dans les broussailles des interrogations sur la connaissance de soi et des autres. En effet, Prado aspire à être, selon le titre de son livre, un « orfèvre des mots », c’est-à-dire non seulement quelqu’un qui peut mettre en mots de lumière les interrogations que tout homme se pose maladroitement, mais aussi celui qui, au lieu de se perdre dans le dédale où mène toute question profonde, pourrait les formuler de telle sorte que la réponse brillerait au travers de ces mots, univoque et indiscutable. Mais le poète portugais s’échouera sur une multitude de doutes et de questions infinies...

L’enquête menée par Gregorius l’entraîne dans une ronde de personnages qui ont connu Amadeu. Leurs témoignages vont petit à petit cerner ce personnage qui participa à la résistance contre la tyrannie et qui suscita tant d’amour tout en ayant lui-même balayé ce mot de son vocabulaire.

Parallèlement à ses trajets dans la Lisbonne de Prado, Gregorius accomplit un parcours intime qui le ramènera là d’où il est venu, mais complètement changé, transformé définitivement...

Commentaire

Le projet  d’Amadeu, en écrivant son œuvre, se heurte  à une série de difficultés insurmontables : Alors qu’il projette de recréer une langue originelle dans laquelle tout apparaitra dans sa prime limpidité, il ne rencontre que doutes en incertitudes, questions et tourments. De plus, cet homme d’une lucidité remarquable ne réalisera pourtant qu’en toute fin de vie l’extrême ambivalence de ses rapports avec chacun de ses parents, ambivalence dont chacune de ses pensées, chacune de ses réflexions sera inconsciemment imbibée. Mais, en fait, tout ce qui est humain n’est-il pas plurivoque ?

Quant au très érudit Gregorius  gravement myope et appréhendant fortement la cécité, la découverte et l'apprentissage du portugais symbolise l'accès à une nouvelle lucidité. Car, si Grégorius est expert en langues mortes, ce n’est que dans cette langue vivante qu’il réapprend enfin à vivre. Et s’il s’enfermait dans la routine et le seul univers des livres, il y apprend le bonheur de s’ouvrir à l’intériorité d’un autre homme. En cherchant à comprendre l’autre, l’étranger, il atteint ainsi une meilleure pénétration de lui-même.

Ce roman ample et superbe est écrit dans un style d’une très grande pureté et d’un classicisme bien entendu. Chaque phrase y est un enchantement tant pour la profondeur de son propos que pour l’aisance avec laquelle elle coule en traduisant nos expériences les plus intimes.

Je vous livre ici deux de ces phrases-phares dans la nuit de nos pensées troublées :

« Les contours de la volonté des parents et de la crainte qu'ils inspirent s'inscrivent avec un crayon de feu dans les âmes des petits, qui sont pleins d'impuissance et pleins d'ignorance sur ce qui leur arrive.

Nous avons besoin de toute une vie pour trouver le texte gravé au fer rouge et pour le déchiffrer, et nous ne pouvons jamais être sûrs de I' avoir compris. »

« Sur mille expériences que nous faisons, nous en exprimons tout au plus une par le langage, cita-t-il. Parmi toutes ces expériences muettes sont cachées celles qui donnent secrètement à notre vie sa forme, sa couleur et sa mélodie. »

Merci Kathel, de m'avoir incitée à cette lecture enrichissante et magnifique!

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Pascal Mercier

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mercier_P

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en 1944 près de Berne , Peter Bieri étudie les langues anciennes, puis la philosophie qu’il enseigne à Berlin depuis 1993.. En 1995, il publie son premier roman , "Perlmanns Schweigen", sous le pseudonyme de Pascal Mercier, dont il se sert aussi pour "Der Klavierstimmer" et "Train de nuit pour Lisbonne", premier roman de l’auteur traduit en français.

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Commentaires
R
Merci pour cet avis sur cette lecture, cela m'a l'air intéressant et j'en prends note.<br /> <br /> A bientôt<br /> <br /> Rémy
S
je me souviens de cet extrait que tu m'as lu à haute voix, Sybilline!
S
@ Nanne : Je suis sûre que tu l'aimeras!
N
C'est un roman dont j'ai entendu et lu de bonnes critiques et ton billet me le confirme, Sybilline. Je l'ai sur ma LAL. Il me suffit de le trouver ... et hop, dans ma PAL :-))
P
Plus que tentant. Merci pour ce billet, je ne connais pas cet auteur, mais l'histoire m'attire.
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