Florence Ben Sadoun
Florence Ben Sadoun est directrice de la rédaction de Première, journaliste à ELLE et chroniqueuse cinéma à France Culture
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La fausse veuve
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Comme en une longue lettre posthume, la fausse veuve s’adresse à son amant décédé suite à une longue paralysie qui ne lui laissait que le clignement d’un oeil en guise de langage.
Si aujourd’hui, la fausse veuve prend la plume, ce n’est pas tant pour célébrer son amour ou exprimer sa douleur, mais surtout pour revendiquer, avec colère et révolte, son statut d’amante choisie, élue, pour laquelle l’homme aimé allait quitter sa femme lorsque l’accident s’est produit.
Elle clame l’injustice de sa mise au rebut face à l’épouse légitime et fidèle, celle qui pleure pourtant encore son mari alors que la fausse veuve s’ébat déjà joyeusement dans les bras d’amants divers.
Egocentrique, revancharde, celle qui n’a de nom que la fausse veuve réclame les honneurs d’un amour passionnel et tout physique entre l’homme aujourd’hui paralysé, et largement médiatisé, et elle-même, mais un amour qui se découvre peu à peu chargé de haine et de possessivité : « Tant que tu me fais du mal » écrit-elle, « tu vis. Ca veut dire aussi que tu m’aimes, alors je vis. »
Et à présent qu’elle a échappé à la loi de fer et à la possessivité jalouse de son amant qui, paralysé, ne peut plus rien lui imposer, la fausse veuve se réjouit de ses frasques diverses et s'accorde enfin le droit de dire « tu » à celui qui, par discrétion sociale et familiale, lui avait interdit d’utiliser ce pronom.
Commentaire
Ce récit m’a profondément déçue, parce que, m'attendant au vu des premières pages du livre et de la quatrième de couverture à une lettre ultime de déclaration d'amour, ou d'adieu à l'amant défunt, je n’ai entendu que la revendication d’une femme qui exige la reconnaissance sociale bien plus qu’elle ne pleure l’absent.
A aucun moment, je n’ai ressenti un mouvement de tendresse envers son amant , pas l’ombre d’une reconnaissance envers ceux qui prenent soin de l’homme immobilisé, pas la moindre trace de compassion à l’égard de l’épouse ou des enfants dont l’époux, le père vit dans une agonie constante. Car la fausse veuve est trop fermée sur son amertume, son dépit de n’être que fausse veuve et les bonheurs qu’elle s’accorde par ailleurs pour penser à quiconque en dehors d’elle-même..
Quant au style de l’auteur, il est certes travaillé, parfois un peu trop même, avec des pointes d’intellectualisme qui dénotent dans le contexte de son livre, mais aussi avec des vraies réussites d’écriture qui donnent à penser que l’auteur peut espérer un avenir prometteur.
Merci à "Chez-les-filles" et à Denoël pour l'heureuse réception de ce livre et la confiance qu'ils m'ont faite en m'en proposant la lecture