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Bibliophagie
22 juin 2008

De beaux lendemains

bankskm8

A Sam Dent, petit village du nord des Etats-Unis, un bus de ramassage scolaire glisse sur la neige, tombe dans le ravin et sombre dans le lac, provoquant la mort de 14 enfants et la paralysie d’une quinzième.

Quatre personnes vont alors prendre la parole :

D’abord Dolorès Driscoll, la conductrice du bus scolaire, une femme courageuse et pleine d’affection pour ceux qu’elle conduit, explique comment elle a dévié pour éviter d’écraser ce qu’elle a cru être un chien.

Puis, Billy Ansel, le père inconsolable de deux des enfants morts qui, ayant déjà perdu sa femme et désormais dépourvu de raison de vivre, se réfugie dans l’alcool.

Ensuite, Mitchell Stephens, un avocat new-yorkais qui fait miroiter l’obtention d’une solide compensation financière auprès des parents afin de les engager dans un procès pour négligence contre les autorités,  mais qui, ce faisant, se venge de la perte de sa propre fille entrainée dans le circuit de la drogue.

Enfin, Nicole Burnell, l’adolescente qui a perdu l'usage de ses jambes qui, pour se venger des attouchements commis par son père, fait capoter le procès engagé par lui, et d’autres, en portant un faux témoignage 

Commentaire

Certes, il serait difficile de classer ce roman parmi les chefs d’œuvre littéraires : le style en est quelconque, tout au service de l’histoire narrée, pourtant il mérite d’être lu parce qu’il porte un regard lucide et nuancé sur les conséquences d’un drame intolérable..

L’auteur, sans jamais juger, analyse une réaction courante de nos jours, largement encouragée par les avocats, qui consiste à rechercher immédiatement un responsable. Réaction qui s’inscrit comme un refus de la vie avec ce qu’elle comporte d’accidentel, de purement hasardeux et qui bloque également le travail du deuil sur ce moment de colère et de revendication.

Sans jamais prendre parti, Russell Banks montre admirablement comment un drame terrible vient réveiller les démons de chacun et en révéler les facettes insoupçonnées: ainsi l’adolescente admirée de tous utilisera son infirmité comme passerelle à sa vengeance ; ainsi Dolorès, ostracisée injustement suite à un faux témoignage, se sentira aussitôt, par cette injustice même, libérée des tenailles de son auto-culpabilisation...

Ainsi l’auteur nous conduit, pas à pas, à réaliser qu’un drame insupportable ne possède sa vérité ni dans la loi, ni dans les faits, mais qu’il est, en quelque sorte, l’épreuve qui force chacun à se dévoiler dans sa vérité.

C’est donc un livre qui invite à réfléchir, à discuter et à méditer en finale cette parole de sagesse vers laquelle Dolorès, la toujours bonne conductrice, nous achemine :

« ..et quelle que soit la façon dont les gens de Sam Dent nous traiteraient, qu'ils nous commémorent ou qu'ils nous méprisent, qu'ils se réjouissent de notre destruction ou applaudissent à notre victoire sur l'adversité, ce qu'ils feraient répondrait à leurs besoins, pas aux nôtres. Ce qui, puisqu'il ne pouvait en être autrement, était exactement ce qui devait être. »

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Commentaires
M
J'ai prévu de lire ce livre, après avoir été assez séduite par "Américan darling". Tu me confortes dans ma décision !
L
Je suis très sensible au style, je vais donc essayer de le feuilleter avant...
D
... c'est un beau film. Salué par la critique, et apprécié par votre très humble serviteur.
J
Encore un bel article, fidèle à ce que j'ai ressenti lors de la lecture de ce livre.<br /> Seul bémol : le style de Russell Banks, sous des apparences certes anodines, cache une certaine originalité et un énorme travail de narration. L'exemple le plus flagrant est la construction des dialogues...<br /> Bravo encore pour ces articles de qualité.
M
Je salue ta critique remarquable. Je ne partage pas ton opinion sur le style. Rien que le titre, déjà...<br /> <br /> La Réserve est trés épuré, plus classique.
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