Auprès de moi toujours
Kathy, une « accompagnante » de 31 ans, se souvient de son enfance à Hailsham, un pensionnat idyllique où elle a été élevée, avec ses amis Ruth et Tommy, dans l'ignorance totale du monde qui les entourait.
Pourtant, certaines étrangetés nous apparaissent bien vite : Ces enfants n’ont pas l’air d’attendre ni d’espérer la venue de parents, l’institution les pousse à produire des créations artistiques destinées à l’étrange galerie de « Madame », tous savent qu’ils ne pourront jamais avoir d’enfants et surtout, aucun d’eux ne se pose les questions évidentes d’un enfant dans une telle situation...
Tous savent, d’un savoir informulable, que leurs vies sont toutes tracées et leur avenir déjà déterminé, mais nul ne s’en révolte ni ne s’interroge davantage.
Seuls Kathy et Tommy parviendront, petit à petit, à surmonter leur peur de la révélation , peur soigneusement entretenue par l’atmosphère de mystère et de non-dits des « gardiens » de l’institution.
Pour nous, lecteurs, comme pour ces deux enfants devenus adultes, l’énigme ne se révèlera que lentement au fil des pages, mais n’est-ce pas là le propre de tout dévoilement ?
Commentaire
Ishiguro applique à ses lecteurs la règle que les gardiens appliquaient à leurs élèves :
"Tommy jugeait possible que, pendant toutes nos années à Hailsham, les gardiens aient choisi avec beaucoup de soin, et de propos délibéré, le moment de nous dire chaque chose, de telle sorte que nous étions toujours un peu trop jeunes pour comprendre correctement l’information la plus récente. Mais, bien sûr, nous la saisissions à un certain niveau, et avant longtemps, toutes ces données étaient entrées dans notre tête sans que nous les ayons jamais vraiment examinées. "
Dans une écriture fluide et sensible, Ishiguro nous confronte à une société "possible" et nous montre combien rares sont ceux qui ont le courage de la vérité...
Un roman superbe et qui donne à réfléchir, sans doute le meilleur Ishiguro si l’on excepte son merveilleux « Les vestiges du jour »